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Sur le terrain avec Biocoop : direction les Côtes-d’Armor

Sur le terrain avec Biocoop : direction les Côtes-d’Armor

Le 17/01/2023

Grâce à ses partenariats avec des producteurs convaincus, la Scop Lun&Sol (prononcer lune et sol) participe au développement d’une bio cohérente et diversifiée dans un département touristique à l’agriculture intensive et spécialisée.

Grâce à ses partenariats avec des producteurs convaincus, la Scop Lun&Sol (prononcer lune et sol) participe au développement d’une bio cohérente et diversifiée dans un département touristique à l’agriculture intensive et spécialisée.

Par Marie-Pierre Chavel

Côtes-d’ArmorCôtes-d’Armor

“ L’humour, c’est notre marque de fabrique.”

Jeu de mots, boutades…, la mise en place du magasin Biocoop de Tréguier se fait dans la bonne humeur. À proximité du port de plaisance et des beaux immeubles du XVIIe siècle qui servent de portes à la vieille ville, chaque matin, l’équipe s’active pour que tout soit prêt à l’ouverture. Nolwenn Moal nous accueille un mardi d’octobre, le jour à peine levé.

C’est la gérante de Lun&Sol, la Scop (société coopérative et participative) propriétaire du magasin et de celui de Paimpol, à 15 kilomètres. Le cheveu et l’œil noirs, elle a le rire facile et sonore. Ça n’empêche pas le sérieux quand elle explique que « lune » et « sol » font référence à l’habitude ancestrale des paysans d’observer la lune pour organiser leurs travaux. En clair, ici, on défend une agriculture qui croit à l’interdépendance avec son environnement. En Bretagne, marquée par l’élevage intensif de porcs, la culture toute l’année de tomates hors-sol sous serres chauffées, c’est loin d’être le modèle le plus courant. Justement !

« Plus une région va dans les extrêmes, plus elle est dynamique dans ses alternatives », analyse Nolwenn qui nous a concocté des rencontres avec des producteurs qui ont choisi une façon différente de travailler. En bio, forcément.

Toutes les coop ne se valent pas

L’agriculture costarmoricaine est dominée par l’activité bovins lait. Mais, profitant des sols limoneux du nord du département notamment, les productions végétales sont en plein essor. Les stars du terroir : l’artichaut et le chou-fleur. En conventionnel, les agriculteurs bretons sont souvent spécialisés dans quelques légumes, voire un seul, destinés au circuit long via les coopératives dont ils sont adhérents, des structures devenues énormes au fil du temps et qui prennent tout ou presque en charge, du choix des semences au prix de vente des légumes.

Denis et Jessica Laudren, producteurs bio que l’on rencontre dans leurs champs, à Kerbors, ont fait partie de ce système lorsqu’ils se sont installés en 2014. Et puis… « on a eu envie de retrouver notre indépendance », souligne Jessica. Alors ils passent en bio et diversifient leur production.

« La terre est profonde, trois mètres avant de tomber sur le caillou », montre Denis, la main dans un sol riche, avec de la matière, d’un rang de brocoli. Un temps, ils font de la vente directe, comme la plupart des maraîchers bio du secteur. Puis rejoignent à nouveau une coopérative, BioBreizh, sociétaire de Biocoop.

« On est une soixantaine de producteurs 100 % bio, soudés, on échange des connaissances sur notre métier, apprécie Denis. Avec Biocoop, on planifie les besoins : on sait ce qu’on doit cultiver et que ce sera vendu. On est respectés et écoutés, c’est un commerce équitable. »

2e département breton bio

2e département breton bio2e département breton bio

La Scop Lun&Sol, avec le groupement des agriculteurs bio du département (GAB 22), planifie aussi qui va livrer quoi et quand avec les maraîchers. Ce qui rassure tout le monde. Nolwenn Moal se souvient du « point de bascule » à la fin des années 2000 quand la demande sociétale de bio a explosé, plus vite que la production, et que les magasins avaient du mal à sécuriser leurs approvisionnements. Chez les producteurs, la planification peut représenter 10 à 60 % du chiffre d’affaires, selon Lucie Drogou du GAB 22. L’enjeu n’est pas négligeable !

Lun&Sol prévoit d’utiliser ce système avec trois producteurs de pommes, fruit bien présent dans le département avec la poire, les fruits rouges, le kiwi… « On a beaucoup de choses en local maintenant, dans quasiment tous les rayons, ce qui représente 15 à 20 % de notre offre. En cœur de saison, presque tous nos légumes sont d’ici », détaille la gérante. Les Côtes-d’Armor sont le 2e département breton en superficie et en nombre de fermes certifiées AB. Ses surfaces bio représentent 9,9 % des terres agricoles, contre 10,3 % pour la moyenne bretonne comme nationale. 

Des pommes, justement… Nous voilà au Verger de Kernivinen, à Perros-Guirec, ville connue surtout pour ses plages et son sentier des douaniers qui longe, sublime, la Côte de Granit rose. François Le Jaouen y est l’un des derniers agriculteurs  : ils ne sont plus que trois ! Le béton a remplacé les landes autrefois exploitées. Aidé d’un salarié, lui prolonge l’histoire de la famille, depuis six générations au moins dans l’agriculture ; d’abord des vaches, des cochons, des légumes…, et aujourd’hui des pommes et des céréales réparties sur 60 hectares, tout en petites parcelles plus difficiles à travailler que les grandes. Il estime que 15 hectares seulement sont des terres de qualité. « Ma problématique n’est pas de vendre mais de produire », explique le quarantenaire qui a entamé la conversion en bio de son exploitation en 2017. La vieille ferme n’est plus adaptée à l’activité, les bâtiments ne sont pas fonctionnels. Le jour de notre visite, il doit manœuvrer le gros tracteur dans la petite cour presque fermée pour déverser les pommes dans le tapis qui les mènera aux deux étapes de lavage puis au pressoir. Mais François mesure sa chance – trouver une ferme est un défi – et s’en accommode. Le débit de paroles rapide, sans cesse en mouvement, il témoigne d’un appétit de faire, d’innover, du mieux qu’il peut, sans s’épargner.

Objectif résilience

RésilienceRésilience

De 8 hectares de vergers et 25 variétés de pommes, il tire des jus et du cidre qu’il vend en direct, sur place, ou encore à Lun&Sol.

Il y a des magasins Biocoop plus près, mais ils ont déjà leurs fournisseurs, et il ne veut pas déranger. « Faire du cidre, dit-il, est une chose. Le réussir en est une autre. » Il cultive aussi des blés qu’il transforme en farine, de la féverole qu’il échange avec son voisin éleveur contre du fumier pour amender ses champs, du colza dont il voudrait faire de l’huile, de l’orge qu’il vend à un brasseur installé sur son site… Il se pourrait qu’un jour son salarié s’y installe aussi pour faire du pain.

« J’augmente la valeur de production de l’exploitation, pour qu’elle soit résiliente et performante, tout en gardant sa taille humaine », confie-t-il. Ah oui, il fait aussi un peu de farine de sarrasin. On pensait que dans la région c’était courant, mais non .

« Nous avions déjà les farines de blé et de sarrasin d’un autre producteur, Denis Baulier à 10 kilomètres, dit Nolwenn Moal. Celles de François sont différentes, elles complètent bien notre gamme locale. » Pour Lun&Sol, le local, c’est à 50 kilomètres maximum du point de vente.

Un écosystème de partenaires

Ça tombe bien, le Gaec des Hautes Terres à Plougrescant est à moins de 10 kilomètres de Tréguier. Une vraie chance, parce qu’ici, en plus de la viande et du pain, se fait une chose rare dans la région : des pâtes bio. Coquillettes, macaroni, tagliatelles, torsades et, inattendu, des radiatori, petits cylindres creux avec des ailettes qui doivent tellement bien retenir la sauce… Slurp ! On ne les a pas (encore) goûtés mais on a vu la production, presque une course contre la montre : la farine et l’eau mélangées composent une pâte qui passe dans un moule en bronze donnant leur forme aux radiatori, lesquels tombent ensuite en continu dans une sorte de claie, qui aussitôt pleine intègre le séchoir qu’il faut vite refermer jusqu’à l’arrivée de la prochaine claie pour ne pas faire varier la température dûment contrôlée afin que les pâtes en ressortent, une vingtaine d’heures plus tard, sèches et goûteuses pendant un an minimum. Avis aux amateurs !

Ecosystème de partenairesEcosystème de partenaires

Le Gaec des Hautes Terres, créé en 2016 par Samuel Gautier et Bastien Moreau, rejoints récemment par David Billamboz, est particulièrement lié à Lun&Sol : la Scop a acheté des parts sociales dans leur SCIA (société civile immobilière agricole) pour les aider à acquérir du foncier et les soutenir dans leur projet. Tendre la main, c’est sa vocation, quand il s’agit de développer la bio, d’offrir des débouchés, de participer à la création d’emploi sur le territoire…

« On est proches de nos fournisseurs locaux, on aime les voir quand ils livrent, discuter, parfois refaire le monde avec eux dans la réserve… Ce sont des partenaires plus que des fournisseurs, dit Nolwenn Moal. Nos magasins font partie du réseau Biocoop et on en est très fiers. Mais ils sont uniques grâce aux producteurs locaux. » –

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